Les faux savons artisanaux à base de copeaux

22/03/2021

Vous avez certainement déjà vu sur des marchés des étalages de savon de mille couleurs et mille senteurs. Mais voilà comment différencier les vrais savons artisanaux des autres ? Comment savoir quel est l'artisan qui fabrique son savon ou celui qui ne fait que l'assembler.

Si je vous parle de bondillon, extrudeuse et boudineuse...ces termes ne vous disent certainement pas grand-chose. Je vous avoue que c'était également mon cas avant que je ne rejoigne l'équipe de La Bulle de Maryse. C'est bien normal que vous ne les connaissiez pas. Il s'agit d'un procédé peu glorieux qui consiste à faire croire à la fabrication de savons artisanaux...mais il n'est est rien. Je vous explique cela.

La saponification à froid

Tout d'abord précisons ce qu'est le processus pour fabriquer un savon à froid. Il consiste à mélanger des huiles végétales à froid (donc sans les chauffer et sans altérer leur propriétés) avec une solution de soude. On mélange le tout, on ajoute les autres composants comme les huiles essentielles ou de l'argile. Cette préparation est liquide et coulée soit dans des moules individuels (en général c'est le cas si vous fabriquez vos savons à la maison) soit dans des moules plus grands. Nous laissons tout cela reposer (en général 24h) puis nous découpons les savons. Ils doivent ensuite mâturer et sécher. Ce temps de repos est de minimum 4 semaines avant toute utilisation.


Les moules utilisés par les savonniers sont en général rectangulaires, dans cet esprit.



Le bloc de savon coulé aura des irrégularités sur le dessus, les autres côtés sont bien droits.

Quels sont les avantages de la saponification à froid ?

Comme nous l'avons vu les huiles n'étant pas chauffées, leurs propriétés sont préservées.

La glycérine issue de la saponification est conservée et hydrate la peau.

La fabrication est bien artisanale, tout est fait chez nous en partant des matières premières brutes (huiles végétales, argile, huiles essentielles...).

Ce procédé est écologique. Nous ne rejetons aucun déchet, consommons peu d'électricité (puisque nous ne chauffons pas) et peu d'eau (nous devons juste laver le matériel utilisé).

C'est un procédé ancestral où aucune étape ne fait intervenir un processus industriel.

Mais quels sont ces savons « artisanaux » qui cachent une autre vérité ?

Les bondillons


Voici les bondillons, une base produite industriellement, des copeaux de savon si vous voulez.

Comment sont fabriqués les bondillons ?

Pour réaliser un savon, il faut un corps gras saponifiable et de la soude comme nous l'avons vu. Mais là, la méthode change radicalement par rapport à nous.

Ce procédé industriel nécessite ces ingrédients en quantité très importante. Les corps gras sont en général des huiles de faible qualité et de faible coût. La soude est utilisée volontairement en excès par rapport à ce qui est nécessaire à la saponification des corps gras afin de consommer toutes les huiles plus chères. Mais il n'y a pas de surgras de ce fait. Pour gagner du temps sur cette réaction et donc gagner en rentabilité, la pâte est chauffée aux environs de 140-160°C pendant plusieurs heures voire jours. Vous imaginez la consommation électrique ?

Une fois tout cela terminé, il y a dans les cuves du savon (c'est le but), de la glycérine produite par la réaction chimique et de la soude caustique. Le tout est en strate car il y a des densités différentes entre ces produits. La pâte est alors rincée à l'eau salée plusieurs fois de suite pour enlever l'excédent de soude. Vous imaginez la consommation en eau et la pollution rejetée ?

La glycérine est alors captée par le sel, entraînée dans ces eaux de lavage et enlevée par décantation. Elle ne reste donc pas dans le savon....

Cette pâte à savon est ensuite séchée, débitée en billes ou râpée sous forme de copeaux, appelés bondillons.

Ces bondillons servent de base pour fabriquer des « savons ».

Certains « savonniers » (et ça nous fait mal d'écrire cela mais la réalité est qu'il n'y a aucune réglementation pour définir le métier de savonnier) achètent ces bondillons, ajoutent des colorants, des parfums...et mettent le tout dans une machine.

La boudineuse ou l'extrudeuse mélange ces ingrédients et sort une longue barre de savon. Cette barre peut avoir une forme ronde, ovale ou carrée en général. Tout cela sort très lisse (tous les côtés sont donc identiques) et il ne reste plus qu'à couper.

Ce procédé ne permet pas de conserver (ou très peu) la fameuse glycérine puisque celle-ci est extraite lors de la fabrication des bondillons. Or la glycérine est un aDsorbant, qui capte l'eau et permet d'hydrater.

De plus ces « savons » ne seront pas non plus surgras. Or le surgras ce sont les huiles non saponifiées car non attaquées par la soude et qui sont donc nourrissantes.

Moins hydratant, moins nourrissant...

Tout savon produit ainsi signifie que le « savonnier » est parti de ces bondillons ou copeaux de savon. Il s'agit donc plutôt d'un travail de façonnier (colorer, mouler, parfumer, tamponner, emballer).

Il n'y a donc rien d'artisanal dans la fabrication de ces « savons », uniquement dans leur façonnage final. Si ces savons sont affichés comme savon artisanal...il s'agit de greenwashing (tiens tiens). Le greenwashing est une manipulation marketing pour vous vendre tout en trompant le consommateur. Vous pouvez lire notre article sur le sujet ici.

Alors comment être sûr que j'achète un bon savon ?

Cherchez l'appellation « savon à froid » et méfiez-vous des jolis savons tout lisse sans aucune irrégularité. Regardez bien également la composition. Si vous voyez sodium palmate et sodium palm kernelate, méfiez-vous.

Peux-tu nous dire ce que tu penses des bondillons Maryse ?

Pour moi, un « savonnier » qui travaille à partir de bondillons qui se dit artisan savonnier, c'est comme un cuistot de fast food qui espère recevoir une étoile Michelin. C'est n'importe quoi ! Le façonnage de bondillons est tellement limité. Pas de possibilité de choisir ses huiles de base, pas de travail au niveau de la pâte, pas de magie lors de la transformation en savon. C'est de l'industrie pure et dure : ça va vite, c'est reproductible mais la qualité s'en ressent. Mais quand des façonniers-extrudeurs se font passer pour des artisans savonniers, j'ai juste envie de les saponifier à la soude. Gniark bon débarras 😉

Maryse est la créatrice de nos produits, la génie de la savonnerie. 😀

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